Raft

Trentenaire, court-barbu, le "capitaine" s'adresse à son équipage caparaçonné de pied en cap*. Un équipage pour le moins hétéroclite – cinq filles (une adulte, trois ados et une petitoune de sept ou huit ans) et deux gars (dont le doyens n'est pas loin da la cinquantaine) qu'il doit prendre en main. Le capitaine a placé chacun à un poste précis, et c'est lui qui donne les consignes : chacun devra obéir immédiatement, sans réfléchir ni contester. Sans même envisager de penser : il n'y a qu'un cerveau par embarcation, et c'est le capitaine. Il explique comment tenir la rame, les positions à prendre pour ramer, pour se mettre en sécurité, comment récupérer un "naufragé" et le remonter sur l'esquif.
Ne pas penser mais obéir, voila qui peut sembler démobilisant... Pourtant, c'est précisément le contraire qui est indispensable : pour réussir, il faut une vigilance de chaque instant pour entendre la consigne et la mettre en oeuvre sans délai, que ce soit celle de ramer en avant, en arrière, de ne rien faire, voire de mettre "rame en l'air" lorsque la voie se fait étroite, bordée de falaises vertigineuses.
Que l'un des "membres d'équipages" se mette à pagayer de son propre chef, et l'embarcation risque de se mettre à tournoyer sans raison, voire de verser ses occupants selon ce qui se trouve à fleur d'eau et que le rameur novice n'a pas vu..
Que les rameurs d'avant se mettent à papoter entre eux, ils risquent de ne pas entendre la consigne et se laisser surprendre par un choc, un courant, un remous violent, à moins qu'un des rameurs d'arrière ne les rappelle à leurs responsabilités...
Et si sur eau calme il suffit de se laisser porter par le courant, dans les rapides chacun doit abonder à l'effort collectif.
Pourquoi ai-je l'impression que, dans l'Eglise, cette sage pédagogie a parfois peine à s'appliquer ? Heureusement, en rafting le capitaine, qui se tient à l'arrière (de sorte que si on l'entend, on n'a guère le loisir de le voir), peut rectifier une trajectoire trop hasardeuse utilisant sa rame comme gouvernail et sauver son équipage du naufrage par sa technique et sa connaissance du torrent.
Dans l'Eglise aussi, heureusement.

Bonne fête de la Dormition !
Notes :
* petit rappel : le "cap" de "pied en cap", c'est la "tête"... le vieux mot latin "caput" ayant traversé les siècles dans cette expression.