Au commencement l'Homme...
Flânant cet été dans une exposition (en fait non, je ne flânais, je savais qu'elle était là, mais n'ayant pu trouver le temps de m'y rendre avant, j'y suis allé en catastrophe, le dernier jour) je passe de tableaux en photos, de sculptures en textes... A vrai dire, le thème a beau être "La création", il n'y a rien qui m'accroche, qui me retienne.
Sauf, sur la fin, un texte.
Il se trouve que je connais l'auteur, de sorte que j'ai pu lui demander s'il acceptait de me prêter son texte pour vous le partager.
Le voici.
Au commencement l'Homme...
Au commencement
l'Homme créa le savoir et le faire.
La terre était sauvage,
inachevée,
mais l'esprit de l'Homme émergeait des ténèbres de l'ignorance.
L'Homme dit :
Que le brasier soit et le brasier fut.
L'Homme appela feu la flamme du brasier
Il vit que le feu était bon.
Il en tira lumière et chaleur
Ainsi
il y eut un soir et il y eut un matin
Ce fut le premier jour.
L'Homme dit
Que les abris qui sont sous le ciel se rassemblent en un seul lieu
et que le désert paraisse
et l'Homme fit l'urbanisation.
L'Homme appela ville cet amas de maisons.
Il vit que la ville était bonne.
Elle produisait des plaisirs en abondance
et des biens de toute espèce
L'Homme y vivait en sécurité.
Ainsi,
il y eut un soir et il y eut un matin
Ce fut le second jour
L'Homme dit :
Que mes membres soient prolongés,
pour alléger ma peine et hâter mes parcours
Et l'Homme dans la matière forgea un cercle.
Il l'appela roue
L'Homme vit que la roue était bonne
Elle pouvait servir à tout.
Ainsi
il y eut un soir et il y eut un matin
Ce fut le troisième jour.
L'Homme dit :
Que pour faire tourner la roue
il y ait un animal puissant et sans âme.
Et l'Homme
de l'eau et du feu fit surgir le mouvement.
Il appela moteur le muscle de son industrie.
L'Homme vit que le moteur était bon
Absorbant le capital
il ajoutait au profit.
Ainsi
il y eut un soir et il y eut un matin
Ce fut le quatrième jour.
L'Homme dit :
Cet animal m'épuise à m'occuper constamment
Que tout seul il se gouverne
Et l'Homme fit l'informatisation.
Il appela ordinateur le substitut de son autorité.
L'Homme vit que l'ordinateur était bon,
Il commandait tout et plus vite,
sans revendications.
Ainsi
il y eut un soir et il y eut un matin
Ce fut le cinquième jour.
L'Homme dit
Qu'on mette le pouvoir de mon industrie
au service de ma distraction,
car mon ennui m'exaspère
j'ai besoin d'illusions.
Et l'Homme institua du loisir la civilisation
Il vit que les loisirs étaient bons.
Pour calmer son angoisse,
il lui suffisait d'appuyer sur un bouton.
Ainsi
il y eut un soir et il y eut un matin
Ce fut le sixième jour.
L'Homme dit:
L'air est vicié,
L'eau sale,
la terre couverte de toute sorte de détritus.
Je ne sais que faire
de tous les débris de mes loisirs
et des résidus de mon industrie.
Qu'on donne à ces nuisances un nom.
Et l'Homme les appela pollution.
Il vit que la pollution était mauvaise
Mais ses discours sont demeurés vains
Ainsi,
il y eut un soir mais pas de matin
Ni non plus de septième jour !
Ce texte de Charles-Daniel MAIRE a été rédigé...
dans les années 1970