Sur la scène

Publié le par Albocicade

Sur la scène, le conférencier pérore. Son propos se résume à peu de choses : les croyants, ceux qui ont de la religion, sont des êtres illogiques, esclaves d'une pensée primitive et pré-établie, incapables de réfléchir par eux-mêmes puisque, il le prouve : "Dieu n'existe pas".

Il le prouve avec ardeur, avec conviction, avec insistance.

Il le prouve non pas une fois, pas même deux ou trois... Non. Il le prouve douze fois !

La foule des auditeurs, éblouie par sa logique, subjuguée par sa rigueur intellectuelle acclame celui qui met des mots sur ce qu'ils n'osaient même imaginer.

La force du langage, la puissance du discours !

Il faut dire que depuis tant d'années qu'il va de ville en ville, il a eu le temps de régler son show, de trouver le mot qui fait mouche, l'exemple qui balaiera les résistances...

Peu importe qu'il use et abuse de sophismes, de caricatures ; il le sait : le rythme tient lieu de réflexion, et le public est toujours du côté de Guignol avec son bâton.

Aussi, qui oserait tenir tête à un tribun si expérimenté ?

Pourtant, c'est la question qui est posée, lorsque l'orateur ayant épuisé son sujet se tait enfin.

Un homme se présente, pourtant.

Il est professeur de Lettres à la Faculté locale : un homme peu habitué à la scène.

Qu'importe. S'il n'a pas le bagout, l'expérience du propagandiste professionnel, il a une conviction : il se doit de montrer que, derrière les effets de manche du conférencier, il n'y a qu'un vide sidérant, un néant de l'argumentation juste propre à berner les simples, à faire des dégâts dans les âmes.

Alors, malgré l'hostilité du public, sur la scène, il ose.

 

De cette confrontation, un petit opuscule a été fait, intitulé

Les douze prétendues preuves de l'inexistence de Dieu.

Un document introuvable.

 

Disons le tout net, il faut un effort  d'adaptation pour entrer dans le débat : cela se passait il y a plus d'un siècle, et depuis ont eu lieu deux guerres mondiales, des dictatures – de droite comme de gauche – à la pelle, et notre mentalité n'est plus celle de 1912.

Plus d'un siècle ! Fallait-il donc ressortir ce document ?

A mon sens oui.

 

D'une part, le texte de la conférence du tribun de l'athéisme se trouve depuis longtemps sur internet, et a même été réédité en papier, présenté comme si c'était le discours définitif de la pensée sur Dieu et qu'il n'y avait rien à ajouter.

D'autre part, mais c'est très personnel, le professeur qui a osé braver les huées du public, Louis Arnould, est un ami. Oh, je ne l'ai jamais connu, mais il y a quelques décennies que – grâce à lui – j'ai découvert Marie Heurtin et la réalité des sourds-aveugles. Je lui ai consacré une page sur le site "Marie Heurtin et les autres". Or, puisque j'ai eu – par sa famille – accès à cette brochure, je lui devais bien de le mettre en ligne.

 

J'en ai donc fait un petit document (avec introduction et annexes) qui est accessible sur Archive.

Puisse-t-il être utile, encore aujourd'hui.

 

J'aimerai, pour terminer, citer une anecdote lue dans un bulletin paroissial protestant :

Un païen demanda un jour à Rabbi Akiva :

- "Qui a créé le monde ?"
- "Dieu a créé le monde", répondit Rabbi Akiva.
- "Prouve-le-moi !"
- "Reviens me voir demain", lui répondit Rabbi Akiva.
L’homme revint le lendemain. Rabbi Akiva lui demanda : "Que portes-tu ?"
- "Une cape, comme tu peux le voir."
- "Qui l’a faite ?"
- "Le tisserand, bien évidemment."
- "Je ne te crois pas, prouve-le-moi !" dit Rabbi Akiva
- "De quelle preuve as-tu besoin ? Ne vois-tu pas que c’est le tisserand qui a fait cet habit ? Un habit se tisse t-il tout seul ?"
- "Alors pourquoi me demandes-tu une preuve que Dieu créa le monde ? Tu viens de donner la réponse : Ne vois-tu pas que c’est le Saint, béni soit-Il, qui l’a créé ? Le monde même est la preuve qu'il y a un Créateur, de même que le vêtement témoigne sur le tailleur."

 

Et comme on lit dans le Livre des Psaumes :

"L'insensé dit en son coeur : Dieu n'existe pas"...

 

Publié dans Vie quotidienne

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Et le pasteur Alain Arnoux me signale une anecdote qui est arrivée avec Sébastien Faure :<br /> Le dénommé Sébastien Faure s'était trouvé un autre contradicteur régulier à Lille, le pasteur Henri Nick. A ce moment-là, Faure, qui ne faisait pas dans la dentelle, surtout en pays ouvrier où il ne pensait pas avoir besoin de beaucoup de rhétorique savante, avait trouvé un "truc" : planté sur scène, il se tournait vers le ciel et injuriait Dieu pendant de longues minutes, puis tourné vers le public, il disait : "S'il y a un Dieu, je lui donne trois minutes pour me foudroyer à cause de tout ce que je lui ai dit." Il avait placé sur une table, sur la scène, un gros réveil remonté pour sonner trois minutes plus tard. Et au bout de trois minutes : " Je suis toujours vivant : il n'existe pas." Nick avait suivi plusieurs de ses conférences ritualisées, il avait essayé de répondre intelligemment, mais cela ne marchait pas. Faure le connaissait donc bien et le public aussi. <br /> Un soir, Faure recommence son décompte, et le pasteur Nick crie du fond de la salle "Attendez !" Il monte sur scène, il sort de ses poches un gros revolver de marine, le donne à Faure en disant : "Attention, il est chargé", puis commence à insulter longuement Faure et conclut en disant : "Maintenant, si M. Sébastien Faure existe, je lui donne dix secondes pour me tuer à cause de tout ce que je lui ai dit." Et les dix secondes écoulées, le pasteur Nick reprit son revolver à S. Faure, se tourna vers le public et dit : "La preuve est faite : Mr Sébastien Faure n'existe pas !"<br /> Moins savant que le professeur Arnould, mais efficace aussi.<br /> C'est le pasteur Alphonse Maillot qui rapporte cette anecdote dans son livre "Histoire d'eaux et d'autres", p. 64-67.
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