Astérix et Mahomet

Oui, je sais le titre est curieux, mais il s'explique aisément par la suite.
Dans un récent billet, je citais un orateur musulman affirmant que Mahomet est nommé dans le cantique des cantiques, assimilant le terme hébreu "maḥamadim" au nom de Mahomet, et justifiant la terminaison en "im" comme étant une "marque de respect", ce que je récusais, expliquant que "maḥamadim" est un pluriel (la terminaison "im" est la marque du pluriel masculin et non une "marque de respect comme le prétend abusivement l'orateur).
Suite à ce billet, j'ai eu le plaisir de recevoir cette remarque laconique d'une amie : "la terminaison "im " est à la fois la marque du masculin pluriel ET la marque du pluriel de majesté, cf ELOHIM".
Certes, Elohim (Dieu ou dieux) est un pluriel, qui a selon le contexte, une valeur de pluriel ou de singulier ; avec un verbe au singulier, c'est "le vrai Dieu", tandis qu'avec un verbe au pluriel ce sont "les faux dieux" des nations païennes qui ne "respirent pas, ne parlent pas etc". (Et en l'absence de verbe, c'est le contexte qui indique s'il s'agit du "vrai Dieu" ou des "faux dieux"...)
Toutefois, ma remarque ne portait pas sur l'existence en hébreu de pluriels à valeur de singulier, ce que je ne conteste pas, mais sur l'assertion qu'en hébreu, l'emploi d'une terminaison du pluriel pour un nom propre indiquerait une marque de respect.
Or, une telle règle n'existe pas, et nulle part, il n'est question dans la Bible de David, de Salomon, d'Abraham ou de Jacob avec un "pluriel de majesté".
Or, pour se réclamer d'une règle, il faut tout de même que cette règle, que cet usage existe.
Enfin, quant à supposer que cette règle existerait, la phrase citée par l'orateur serait, encore, dénuée de sens. Car que pourrait signifier "Sa personne est pleine de Mahomet" ?
Fondamentalement, il est tout aussi stupide de chercher Mahomet dans le Cantique des Cantiques (et malhonnête de prétendre qu'il y soit) que de clamer trouver Astérix et Obélix dans un ouvrage consacré aux textes bibliques originaux, dans lequel on lit* pourtant ce qui suit :
"Quod etiam in Hexaplorum voluminibus, Astericis Obelisque notavit, supletis quae deerant ex Hebraeo juxta Theodotionis potissimum Versionem, et quae redudabant, obelisco confosit. De Asteriscorum et Obelorum usu apud veteres grammaticos disputavimus jam supra lib. 2 parte 1, cap 4 §7."
Il est question, là de signes diacritiques ("étoiles", "astérisques" de diverses formes et "broches" ou "obèles") dont Origène se servait pour indiquer la source des multiples variantes qu'il insérait dans son édition en six colonnes (les Hexaples)... rien à voir avec un petit gaulois moustachu et son copain un peu bas de poitrine.
Notes :
* Ma jolie citation latine est extraite du tome IV du "De bibliorum textibus originalibus, versionibus graecis, et latina vulgata" publié en 1705
** Pour ceux qui veulent fouiller un peu plus, je ne peux que renvoyer aux grammaires hébraïques, par exemple à partir de cette page du site de Didier Fontaine. Une amie bibliste, spécialiste de l'hébreu biblique m'a d'ailleurs confirmé qu'une telle "marque de respect" n'existe pas en hébreu "Sauf si une nouvelle grammaire que je ne connais pas vient de le dire !".