Mémoire profonde et foi
Il fait partie de mes interlocuteurs d'un instant, quasi régulier.
Et même je connais son nom... enfin, presque. C'est ... disons que c'est "Untrukenyan".
Nous échangeons régulièrement un bon mot, une petite blague, mais jamais nous n'avons jamais parlé de Dieu… ça ne s'y prête pas forcément.
D'ailleurs, depuis combien d'années, de décennies n'a-t-il pas mis les pieds dans une église ?
L'autre jour, alors qu'il passe comme à son habitude, je l'interpelle en une langue étrange.
Pas en arménien, ce serait trop simple (encore que je ne parle pas un mot de cette langue, et peut-être lui non plus), non, en grabar.
En essayant de ne pas trop mal prononcer, je lui lance "Քրիստոս յարեաւ ի մեռելոց՜".
Il me regarde, stupéfait, bafouille, balbutie : "Mais d'où tu sais ça, toi ?"
Il devrait me répondre, il le sait, mais ne parvient pas à retrouver au fond de sa mémoire les mots exacts.
C'est, c'est… Non, ça ne revient pas assez.
Pourtant, il l'a dit, crié quand il était gamin. C'était la fête, la joie alors : ça se voit sur son visage.
Nous n'avons pas parlé plus, d'autres personnes attendaient, il lui fallait partir.
N'empêche, peut-être que ce sera lui, la prochaine fois, qui me dira "Քրիստոս յարեաւ ի մեռելոց՜" et qu'il m'entendra lui répondre "Օրհնեալ է Յարութիւնն Քրիստոսի՜".
Et alors, peut-être que nous pourrons parler de Dieu qui nous aime, du Christ qui est ressuscité… qui sait ce qui pourra en advenir ?
Après tout, pourquoi ne pas s'appuyer sur la mémoire ancienne, enfouie, pour la ressusciter, l'actualiser dans la foi ?
Note :
Chez les Arméniens, l'exclamation pascale se dit "Christos haryav y merelots !" (c'est-à-dire "le Christ est ressuscité d'entre les morts !) et la réponse traditionnelle est "Orthnial e Haroutioun Christosi !" (Bénie soit la résurrection du Christ !)