La petite enveloppe bleue

Depuis quelques années, le temps est à la sidération,

Sidération du 11 septembre 2001, sidération des attentats de Paris en 2015, sidération de l'attaque russe sur l'Ukraine, sidération de voir les résultats de l’extrême Droite française aux élections européennes, sidération de voir le président de la République précipiter leur possible accession au pouvoir... et j'en oublie.

D'un seul coup, les sujets graves, sérieux ou seulement très importants ont disparu des propos des journalistes de tous poils : il n'y avait (semble-t-il) avant cela que deux guerres dans le monde – en Ukraine et en Israël – il semble qu'il n'y en a plus aucune ; on nous rebattait les oreilles avec l'avancée cahotante d'une pauvre flammèche enfermée dans une boite, on en est presque venu à se demander si les «Jeux Olympiques » auraient lieu...

Trois élections ont donc eu lieu coup sur coup, les deux dernières pour « sauver la démocratie », pour « ne pas laisser l'extrême Droite prendre le pouvoir en France »,

Les résultats sont tombés : « la France est sauvée du péril qui la menaçait ».

Fort bien,

Pourtant, je ne peux m'empêcher d'un malaise persistant, Certes, je ne dis pas qu'un gouvernement mené par le jeune Bardella¹ n'aurait pu faire des dégâts considérables en appliquant au pays malade des remèdes aussi rigoureux qu’inappropriés, non, je ne dis pas cela !

Mais je m'interroge sur la séquence que nous vivons depuis un lustre².

Ces « confinements » qui interdirent aux citoyens libres de sortir de chez eux durant plus d'une heure et à plus de 5 km de chez eux ne rappellent-ils pas furieusement les promenades accordées aux détenus dans les prisons ?

Ces « laissez-passer » qui fallait produire précisément lors de ces pauvres sorties...

Ces interdictions de se promener dans la campagne, sur le front de mer, dans les collines environnantes où l'on ne risquait guère de croiser du monde, au motif de contrôler la contagion, tandis qu'il était tout a fait normal de continuer à s'entasser dans les métros ou bus pour aller au travail ou en revenir.

Ces pharmaciens qui furent verbalisés pour avoir vendu des masques FFP2, accessoire jugé illégal devenus obligatoires quelques semaines plus tard.

Ces textes de loi, 23 en 18 mois, passés en force à coup de 49.3 au mépris de la représentation nationale, au mépris des citoyens arpentant le trottoir durant des semaine pour clamer leur désaccord...

Et maintenant, ces déplacement de populations sur des critères sociaux-économiques³ pour permettre la tenue des Jeux Olympiques dans un Paris bien propret.

Si un gouvernement d'extrême droite avait agi de la sorte, nul doute que toute la France démocratique aurait hurlé au fascisme.

Mais voilà, c'était le « Centre ».

Alors, oui, moi qui depuis des années avais désappris le chemin de l'isoloir, je me suis abstenu de m'abstenir, je suis allé déposer ma petite enveloppe bleue dans l'urne, donner mon scrutin à une candidate qui, à défaut de faire grand bien ne saurait faire grand mal.

De sorte que si l'extrême Droite devait par malheur arriver au pouvoir, ce ne serait ni par mon vote, ni par mon abstention.

Mais quand je repense aux propos de Macron, affirmant que son objectif serait que les gens n'aient plus de raison de voter pour les extrêmes, je me dis qu'il serait temps que lui, ou un autre, se mette au boulot, parce que manifestement ce n'est pas gagné.

Notes :

1Comme dit l'Ecclésiaste : « Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin! » (Eccl 10,16)

2Pour rappel, un lustre est une période de 5 ans, mais a-t-on encore besoin de le préciser ?

3Oui, on peut considérer que ce ne sont « que » des SDF, des « pauvres », des « gens de rien », mais aussi voir que ce sont des gens en grande difficulté auxquels on ajoute des difficultés supplémentaires dans un triste but cosmétique.