A l'Est du Christ
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Il y a des livres, appelons-les des romans historiques, qui en quelques centaines de pages rassemblent pour nous tout un contexte socio-historique et nous permettent de mieux situer et comprendre tel évènement, telle situation dont nous connaissons sur le bout des doigt certains aspect… tout en en négligeant d'autres.
Il y a eut, en ce qui me concerne, par exemple le roman de Michel de Grèce "Le palais des larmes", dont l'intrigue tourne autours de l'empereur Justinien et de son épouse l'impératrice Théodora (tous deux reconnus saints par l'Eglise orthodoxe) et de la crise "monophysite".
Ce fut aussi le cas du livre de François Taillandier "La Croix et le Croissant" qui fait une lecture stéréoscopique de la Gaule romaine du temps de Dagobert et de la Constantinople d'Héraclius, avec en toile de fond la montée de l'islam.
Dans les deux cas, les auteurs se basent sur une solide documentation historique, tout en donnant de l'épaisseur aux personnages principaux, et à l'arrière plan. Histoire d'avoir une meilleure vision perspective…
Et c'est donc encore le cas pour "À l'Est du Christ" de Nahal Tajadod. Un bouquin sur lequel je suis tombé par hasard, à la recyclerie du coin, et pour lequel j'ai déboursé la somme faramineuse de 1 €.
Le sous-titre est éloquent : "Vie et mort des chrétiens dans la Chine des Tang ; VII°-IX° siècle". D'origine iranienne (donc "perse"), venue étudier le chinois en France, Mme Nahal Tajadod offre une compétence exceptionnelle pour parler à des français de ces chrétiens perses installés en Chine.
Car, il faut l'avouer, je n'avais pas – par exemple – pris la mesure de ce que signifie la concomitance de l'invasion de la Perse par les troupes musulmanes avec l'arrivée d'Aluoben à Chang-An. Et au fil de ce livre, accompagnant au raz des gens les 210 années de l'existence de la première église de Chine entre l'arrivée du missionnaire perse Aluoben et l'édit de 845 qui déclencha une terrible persécution qui éradiqua cette église, c'est tout un défilé de noms, dont certains connus uniquement par la stèle de Xi'an (Aluoben, Yisi, Jingjing…), auxquels l'auteur prête de l'épaisseur, qui croise les noms des rois, empereurs, chefs militaires connus aussi par les chroniques historiques.
Et globalement, malgré certains points contestables, l'ensemble me paraît équilibré : l'auteur a bien compris que les missionnaires chrétiens qui ont enveloppé "la parole du Christ dans un vêtement de soie brochée, palpable pour les Chinois, familier à leurs yeux comme à leur esprit" l'ont fait non dans un quelconque souci syncrétiste, mais pour être le plus compréhensible possible par leurs auditeurs, sachant que si au cours de ses voyages le christianisme "a cueilli sur le chemin des fleurs locales, il s'efforce de rester ce qu'il est".
Bref, une intéressante introduction au contexte géopolitique, au "milieu" dans lequel cette église a germé, s'est épanouie avant d'être brutalement ravagée.
Ce que l'on sait de cette Eglise repose principalement sur la Stèle de Xi'an et les écrits chrétiens trouvés à Dunhuang. Mais avoir un peu de contexte ne fait pas de mal.
NB :
En illustration, la plus ancienne représentation avérée de l'audience que l'empereur Taizong accorda au moine Aluoben.