Premiers écrits chrétiens en Chine
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Il y a un peu plus d'un an, j'avais mis un nez curieux dans le texte de la "stèle nestorienne de Si-Ngan-Fou", allant même jusqu'à scruter tel ou tel détail qui m'interpellait.
Las ! Qu'avais-je fait là ?
Car si le texte de la stèle est assez bien connu, s'il regorge d'études sur ce sujet depuis presque cinq siècles, et si la France a pris une part non négligeable dans cette recherche ; il s'avère que ce n'était pas mon nez que j'avais mis dans le texte, mais bien mon doigt dans un engrenage dont je ne soupçonnais rien à l'époque.
En effet, et durant presque quatre siècles, cette stèle sembla un témoin unique de cette première christianisation de la Chine au VII° siècle, une relique du passé vénérable mais isolée. On l'étudiait donc en regard des textes chinois officiels, pour parvenir à la replacer dans son contexte historique.
Tout changea au début du XX° siècle, lorsqu'un moine bouddhiste découvrit une pièce inconnue, murée depuis les environs de l'an mille, bourrée de manuscrits, au sein de l'immense complexe des "Grottes des mille Bouddhas", à Dunhuang.
La nouvelle en parvint aux explorateurs et sinologues de l'époque, et l'on doit à l'un d'eux, le français Paul Pelliot[1], d'avoir tenté un recensement complet des ces manuscrits, dont il acheta une partie pour le compte du Musée Guimet.
Or, parmi ces innombrables écrits, la plupart bouddhistes, il eut la surprise de découvrir des textes clairement chrétiens. Mieux, l'un d'eux mentionnait nommément le rédacteur de la stèle de Xi'an !
On avait sous la main des manuscrits de la même source et de la même époque ! Une découverte sensiblement comparable (quoique sur un autre registre) à la découverte des manuscrits de Nag Hamadi, ou à ceux de Qumran.
A dire vrai, ces textes sont d'une interprétation malaisée dans la mesure où, pour transmettre des concepts inconnus en Chine à l'époque (Dieu unique, Trinité, Saint-Esprit etc.), les rédacteurs ont du utiliser le vocabulaire et les concepts plus familiers, provenant du taoisme ou du bouddhisme et où ils transcrivent parfois des termes étrangers (le plus souvent syriaques ou perses) en caractères chinois, et qu'il faut alors parvenir à identifier sous cet "habillage chinois" le mot originel, sous peine de faire des contresens.
Comme ces textes n'ont guère été étudiés en France, les informations les concernant étaient fort peu accessibles. Pire, cette proximité avec le vocabulaire du bouddhisme a servi de prétexte à certains pour imaginer que ces chrétiens avaient vécu une sorte de syncrétisme christiano-bouddhiste, et employèrent pour désigner cet ensemble de textes l'expression "les sûtras de Jésus" !
Bref, à force de recherches, j'ai fini par dénicher des études fort récentes[2] qui m'ont permis de faire un substantiel (et un peu indigeste !) article dans la Wikipedia que j'ai intitulé
Et comme j'essaie de faire les choses bien, j'ai aussi créé une page pour la
une stèle de la même époque, et portant aussi un texte chrétien gravé,
ainsi qu'une autre sur une étonnante peinture sur soie chrétienne trouvée elle aussi à Dunhuang...
Les notes...
[1] Que l'on voit en pleine action, au milieu de ce fatras de manuscrits entassés sans ordre.
[2] Il y a depuis quelques années un renouveau pour les études sur le "Jingjiao", la "religion lumineuse" (c'est le terme par lequel les chrétiens s'étaient fait connaître), tant par des chercheurs chinois qu'occidentaux, et les publications sérieuses se multiplient… surtout en anglais.